L'équipe du généthon Bioprod travaille dans des conditions de sécurité extrême. Dans les zones de production, l'air est jusqu'à 500.000 fois plus propre que celui que nous respirons naturellement
. Quinze centrales de purification ont été installées pour aseptiser les lieux.
Unique au monde, ce laboratoire financé par le
Téléthon vient d'ouvrir au sud de Paris. Il va produire à grande échelle
des médicaments de thérapie génique.
Ce centre vient juste de recevoir les autorisations administratives lui permettant de fonctionner à plein régime. Pour Laurence Tiennot-Herment, «c'est le résultat de vingt-cinq années d'implication», un parcours difficile auquel la France est associée depuis les origines, du décryptage du génome humain, entrepris dans les années 90, jusqu'au développement des outils capables de réparer les anomalies génétiques responsables de maladies incurables à ce jour.
Parmi les différentes techniques imaginées pour effacer les «bugs» de nos gènes, les thérapies géniques présentent un avantage indéniable: elles corrigent directement dans la cellule, à l'intérieur de son noyau, le défaut originel qui s'y trouve. «C'est une révolution médicale aussi importante que l'invention du vaccin ou la greffe d'organe», affirme le directeur de Généthon, le laboratoire du Téléthon, Frédéric Révah.
Le Généthon Bioprod a nécessité un investissement de 28 millions d'euros, et son coût de fonctionnement, pris en charge par l'AFM-Téléthon, avoisinera les 10 millions par an. C'est une goutte d'eau dans le plan d'envergure - au moins 500 millions d'euros sur cinq ans - qui devrait mettre ces médicaments de nouvelles générations à la disposition des trois millions de Français touchés par des maladies génétiques rares. Dans quels délais? Les scientifiques n'aiment pas s'avancer sur ce sujet, de peur de susciter de faux espoirs chez les malades et dans leur famille. Mais ils espèrent raisonnablement que les premiers essais cliniques apporteront des réponses positives sur certains cas dans les trois ans qui viennent.
Une fois le candidat médicament purifié, il est concentré grâce à des bioréacteurs pour être réduit à quelques centilitres. Crédits photo :
Soigner les maladies handicapantes et héréditaires
«Les médicaments qui sortent pour l'instant de Généthon Bioprod sont des «candidats médicaments»», précise Frédéric Révah. Ils seront d'abord utilisés sur des malades sélectionnés pour les tests cliniques. Et c'est seulement s'ils sont efficaces et sans effets secondaires graves qu'ils seront commercialisés.Ce processus est habituel. Mais il nécessite d'autant plus de précautions que les produits de thérapie génique sont complexes à fabriquer. Le directeur de Généthon explique: «Si on compare ces médicaments à de l'aspirine, ils sont dix mille fois plus complexes. Pour les fabriquer, nous avons recours à des méthodes testées pendant des années, des biotechnologies difficiles à mettre en oeuvre à petite échelle et encore plus à grande échelle.» La production massive est pourtant devenue une nécessité. Les projets de recherche en thérapie génique se multiplient à travers le monde, et l'expertise française est reconnue. «Pour illustrer la dynamique dans ce domaine, rien qu'au centre Généthon, nous avons plus d'une douzaine de projets, soit en test clinique, pour évaluer l'efficacité du médicament sur le patient, soit sur des médicaments qui se préparent à entrer en test clinique», confie Frédéric Révah.
Parmi les essais en cours figurent des traitements pour des maladies de la rétine, pour la myopathie de Duchenne ou pour des maladies du système immunitaire. L'avancée de ces essais va aussi permettre, à terme, de soigner des maladies handicapantes ayant un facteur héréditaire et touchant un nombre plus large de personnes. «Ces produits très innovants ont un intérêt au-delà des maladies rares, confirme Laurence Tiennot-Herment. Si les Français peuvent être fiers d'avoir soutenu le Téléthon contre les maladies rares dans un complet désintéressement, demain, ils auront pour eux-mêmes un «retour sur investissement» concernant des maladies plus fréquentes (certains cancers ou le diabète, par exemple, ndlr). Nous sommes à la porte d'une nouvelle ère», conclut-elle.